2007-11-29

Facteurs de la croissance

En 1999, j'ai eu une longue conversation avec le compositeur et chef d'orchestre Manuel Rosenthal, ancien élève de Maurice Ravel, et ami de mon grand-père Jean et de son cousin Lucien. Il m'avait rapporté ce propos de Ravel : "Ravel disait qu’il y avait les visionnaires et les perfectionnistes. Les visionnaires ouvrent des perspectives nouvelles, avec cinquante ans d’avance sur leur époque. Mozart était un perfectionniste. Beethoven, qu’on aime ou on n’aime pas, était un visionnaire. Debussy était un visionnaire".

Par analogie, en économie, parmi les déterminants de la croissance, il y a effectivement un aspect visionnaire, l'innovation, la rupture scientifique et technologique, et ses conséquences positives et négatives (la destruction créatrice de Schumpeter), que l'on peut accompagner, mais qu'on ne peut et ne doit pas empêcher. Ou alors, les conséquences d'une telle politique luddite, protectionniste, sont tragiques, cf. la comparaison de la reconversion des bassins miniers lorrain et anglais, dans deux documentaire respectivement de Camille Le Pomellec et Raphaël Kahane et de Ted Anspach diffusés sur Arte le 11 avril 2006.

Et il y a le perfectionnisme, l'amélioration graduelle de l'existant (sans rupture technologique).

La société française est au point mort, elle ne recule pas, mais n'avance plus. Je poursuivrai donc mon exploration des déterminants de la croissance, amorcée dans mes billets sur la recherche et développement (visionnaire), l'approche comptable (perfectionniste), la confiance mutuelle (perfectionniste).

Croître, c'est produire plus, ou mieux, avec les mêmes facteurs de production (capital, travail, matières premières, temps). Ou, c'est synonyme, produire la même chose en moins de temps, par exemple. Réduire la vitesse de circulation de 28 % sur les voies sur berges, c'est prendre une mesure contre la croissance à Paris ; deux artères rapides, l'une nord-sud (qui n'a jamais existé), l'autre est-ouest (les voies sur berges), même payantes, sont vitales pour l'économie de Paris. Par exemple, alourdir de 12,5 % l'impôt sur les plus-values mobilières, c'est prendre une mesure contre la fluidité des transactions et contre la croissance en France (cf. la courbe de Laffer).

Produire plus "vert", c'est encore croître, c'est pourquoi la décroissance prônée par certains écologistes est une hérésie, un non-sens économique. Mais cela n'étonne plus quand on entend certains, même reconnus, proférer des absurdités : hier sur la radio BFM, quelqu'un disait qu'un accident de voiture générerait de la croissance, alors que le nettoyage bénévole des plages souillées par une marée noire n'en générerait pas, ce qui est inepte : c'est une vision partielle, qui ne tient aucun compte des externalités, positives ou négatives, pourtant mises en évidence dès le 19e siècle : il faut tenir compte de "ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas", comme l'écrivait Frédéric Bastiat.

Cela dit, on ne peut qu'être perplexe sur la situation française, où il y a eu une rupture verbale, mais pas encore matérielle, avec la politique passée. La France demeure dans une approche incrémentale de la croissance (on grappille quelques progrès çà et là), mais elle n'a pris aucune mesure en faveur d'une croissance vive : la réglementation surabondante (cf. les rapports publics du Conseil d'Etat de 1991 et 2006) et les infrastructures sont-elles taillées pour une croissance de 16 % en 5 ans (durée d'une législature, d'un quinquennat, d'un ancien plan), soit 3 % annuels ? Elles peuvent à grand-peine s'accommoder d'une croissance de 7 % en cinq ans, correspondant à 1,5 % de croissance annuelle !

Pourquoi Google, Microsoft, eBay, Yahoo, sont-elles américaines ? Peut-être la taille du marché joue-t-elle aussi un rôle. Qu'avons-nous fait du marché francophone ?

À suivre : ce soir, le président français s'exprime sur ce sujet sur TF1 et France 2.

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